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Juicers : Ils rechargent les trottinettes électriques

3 décembre 2018 | Social

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“Le café est dans les tasses, les cafés nettoient leurs glaces... Il est 5h Paris s’éveille.” Si Dutronc avait écrit cette chanson aujourd’hui, il aurait pu ajouter le couplet suivant : “Les trottinettes sont rechargées, les juicers sont réveillés”.

Ces “Juicers” – anglicisme qui désigne l’activité de recharger les trottinettes électriques- , récoltent, rechargent à leur domicile et déposent chaque matin les trottinettes en libre service qui fleurissent sur nos trottoirs ces derniers mois. Stanislas, 17 ans, est l’un d’entre eux. Décryptage d’un nouveau type d’activité, entre opportunité et précarité.

Stanislas est précoce. Elève en 1ère Economique et Sociale dans un lycée de l’ouest parisien, le jeune auto-entrepreneur charge des trottinettes électrique en rentrant du lycée le soir. Une manière de gagner un peu d’argent de poche. “Au début de l’été, je suis tombé sur une trottinette de l’opérateur Bird en bas de chez moi, j’ai téléchargé l’application et j’ai vu que l’on pouvait devenir chargeur contre rémunération, je me suis inscrit et j’ai commencé à chasser mes premières birds. “Chasser”, un vocable qu’il emprunte à l’univers de Pokémon Go, le jeu en réalité virtuelle consistant à capturer des créatures dans les rues de sa ville. Ici, les règles du jeu sont tout aussi simples et peuvent être rémunératrices. « Jusqu’à 100€ par jour”, “Gagner de l’argent en dormant”, promet l’opérateur dans une campagne de recrutement. Il suffit de créer une auto-entreprise, localiser une trottinette déchargée via l’application, la ramener chez soi et la charger directement sur une prise secteur.

“La première fois, ma mère a râlé à cause du bruit que j’ai fait en sortant les 3 trottinettes de ma chambre. Il était 04h du matin !”

Les trottinettes chargées, il faut désormais les déposer dans un des “nids” indiqués par l’application. “Les trottinettes doivent être déposées entre 04h et 07h du matin. Après cet horaire, l’application vous inflige une pénalité pouvant aller jusqu’à moins 50%. Il faut donc se lever tôt et mon premier matin, ma mère a râlé à cause du bruit que j’ai fait en sortant les 3 trottinettes de ma chambre. Il était 04h et chaque trottinette pèse une quinzaine de kilos”. Difficulté supplémentaire, l’emplacement des nids varie chaque jour et, pour être rémunéré en totalité, les juicers doivent déposer la trottinette chargée avec un minimum de 98% de batterie. Un vrai parcours du combattant, surtout pour les juicers qui ne disposent pas de véhicule. “Généralement, je superpose 2 trottinettes sur une seule lors des trajets retours, pour être le plus efficace et ne pas entamer trop leurs batteries.” Le lycéen gagne entre 6 et 20 euros par trottinette déposée, desquels il faut déduire les charges entrepreneuriales (environ 23%) et l’électricité consommée (environ 25 centimes par recharge). En chargeant 3 trottinettes, Stanislas peut ainsi espérer récolter une vingtaine d’euros. C’est sa première expérience professionnelle.

Une course à la quantité et la qualité

Comme lui, ils sont de plus en plus nombreux à “chasser” la nuit tombée. Une main d’oeuvre nécessaire pour les 4 opérateurs qui exploitent depuis le début de l’été un parc de quelques dizaines de milliers de trottinettes déployées à Paris, Lyon, Bordeaux et Toulouse. Un nouveau job, payé à la tâche, qui s’exerce principalement de nuit et autorise toutes les prises de risques. A l’instar de Stanislas, il n’est ainsi pas rare de voir passer ces juicers perchés sur plusieurs trottinettes à la fois, circulant à plus de 20km/h sans équipement de protection ou de visibilité. D’autres préfèrent entasser leurs “prises” à l’arrière de leur utilitaire et parcourent la ville, un oeil sur la route, l’autre sur l’application de géolocalisation, le téléphone portable constamment à la main.

Des conduites à risque qui peuvent s’avérer très accidentogènes.” d’après Pierre-Yves Montéléon, chef de file santé et sécurité au travail pour la CFTC. “Le risque d’accident de la circulation pour les juicers est très important. Ils réalisent leurs missions sans aucune règle de prévention (pas de rappel des règles du code de la route pour les trottinettes), ni aucun équipement de protection pour les juicers à pied (casque, gilet haute visibilité). Pour ceux exerçant en voitures, a fortiori en solitaire, il est quasi impossible de réaliser une tournée sans se mettre en infraction vis-à-vis de la réglementation sur l’usage du téléphone au volant. Il appartient aux entreprises qui sous-traitent de sensibiliser leurs collaborateurs afin qu’ils opèrent en toute sécurité, pour eux, mais aussi pour les autres usagers de la voie publique. N’attendons pas un drame pour que ces sociétés se préoccupent des conditions de sécurité de leurs sous-traitants. A la CFTC nous préconisons, qu’au moment de l’inscription du juicer sur la plateforme, un rappel des règles de sécurité lui soit dispensé, et qu’il s’engage à utiliser les équipements de protection de base pour exercer cette activité (au minimum le port du casque et du gilet haute visibilité). Sans pour autant rendre responsables les plateformes, ces bonnes pratiques auront le mérite de faire évoluer la culture sécurité de ces collaborateurs. Après analyse des conditions générales, décrites par Stanislas, il n’existe aucune mention des questions de sécurité !”

D’autant plus que les opérateurs ne rémunèrent pas toutes les trottinettes à la même hauteur. “Pour une trottinette facile à récupérer, vous pouvez espérer entre 5 et 6 euros de rémunération. A l’inverse, une trottinette cachée par un utilisateur à son domicile ou stationnée à l’intérieur d’une cour peut rapporter gros, jusqu’à 20 euros. Mais il faut passer beaucoup plus de temps pour la localiser, et parfois aller jusqu’à sonner chez un particulier, un vrai travail d’enquête. » Il y a donc une course à la quantité et la qualité qui s’opère entre juicers. Et la concurrence semble de plus en plus forte. “Le weekend, il y a plus de monde, il faut arriver le premier sur la trottinette. Il y a tout de même un certain Fair-Play mais les gens en voiture arrivent souvent le plus vite. Le matin, nous avons la possibilité de réserver une place pour une durée de 30 minutes dans un des nids afin d’y déposer nos trottinettes. Les nids accueillent 10 trottinettes et, s’il est plein, il faut en chercher un autre, ce qui peut retarder l’heure d’arrivée, entamer la charge de la batterie et donc nous causer des pénalités à l’arrivée.”

Un équilibre à trouver 

Pour Bernard Sagez, secrétaire général de la CFTC, cette nouvelle forme d’emploi née de la révolution numérique, doit impérativement être accompagnée. “Tous ces atouts, ces nouvelles technologies et ces nouveaux usages ne servent à rien si on ne trouve pas d’équilibre entre travailleurs et startups. Il faut équilibrer, il faut cadrer, il faut sécuriser, il ne faut pas laisser à ces startups le monopole du choix des conditions de travail. Côté utilisateurs, les municipalités commencent à s’intéresser à ce phénomène, et certaines interdisent la circulation de ces engins sur les trottoirs, d’autres régulent leur stationnement, afin que chacun puisse profiter de l’espace public. De l’autre côté de l’application, il faut sécuriser ces travailleurs, d’un point de vue physique certes, mais également d’un point de vue social. Ce qui inclut le droit à la formation, à l’assurance chômage et à la sécurité sociale. »

Kevin Arquillo 

Crédit photographique : Bernard Gouedard

Travail de nuit, des risques prouvés.

Oui, les salariés travaillant de nuit (régulièrement ou non) encourent de réels risques pour leur santé.

En 2016, la CFTC avait saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation de l’environnement et du travail (Anses) afin d’étudier les risques encourus par les travailleurs à horaires dits « atypiques », notamment de nuit. Les résultats de l’expertise sont sans appel  : les effets sur la somnolence, la qualité et la quantité de sommeil sont avérés ; ceux sur la santé psychique, les performances cognitives, la prise de poids, le diabète, les maladies cardiovasculaires et certains cancers sont probables.

En conséquence, non, travailler de nuit ne peut pas être banalisé. Une problématique qui touche complètement les juicers et leur mode d’organisation. Ils exercent en effet leur collecte de 18h à 22h, doivent recharger les trottinettes sur une durée de 5h, avant de les déposer entre 4h et 7h du matin. Des nuits qui ne laissent ainsi que très peu de place au sommeil.  

On vous explique… la réforme des retraites point par point

Quels seront les impacts de la réforme des retraites sur votre carrière, notamment entre les femmes et les hommes ? Découvrez la réponse dans notre nouveau format vidéo de la CFTC.