« Une centaine de salariés ont exercé leur droit de retrait », Radouane, cariste chez Amazon et militant CFTC
23 mars 2020 | Visages du syndicalisme
Radouane Mokaouim est cariste chez Amazon à Saran (45). Il est élu CFTC au CSE.
Y a-t-il une crise chez Amazon, comme on peut l’entendre dans les médias ?
Oui, on peut même parler de psychose ! Nous avons peur d’aller travailler. À tel point qu’une centaine de salariés ont exercé leur droit de retrait et sont rentrés chez eux, ils ne reçoivent plus de salaire… Le CSE a rédigé un mail à la direction pour qu’elle ferme temporairement le site. Malgré une grève éclair de 4 à 5 heures des salariés, la direction a opposé un refus catégorique à notre proposition et a annoncé qu’elle traduirait en justice les salariés « en retrait ».
Ces peurs sont-elles fondées ?
Bien sûr, puisqu’elles sont directement issues de nos conditions de travail ! Il a été prévu d’aménager nos postes, mais c’est loin d’être fini, et nous travaillons pour la plupart à moins d’un mètre de distance les uns des autres. Certains ont commencé à venir avec des masques, mais la direction leur a demandé de les retirer, jugeant cela « anxiogène ». Les RH ont décidé de scinder les salariés en deux équipes pour la pause. Bonne idée… sauf que cela fait toujours à peu près 600 personnes réunies au même moment ! Le gel hydro-alcoolique est en cours de réapprovisionnement, mais a fait défaut un certain temps… Ajoutez à cela la venue du Samu à deux reprises, sans information à l’égard des salariés, il n’en faut pas davantage pour ressentir une profonde insécurité.
Quelles actions envisagez-vous ? Avec quelles attentes ?
Vous savez, la situation est la même sur tous les sites d’Amazon en France*. C’est pourquoi j’ai contacté leurs représentants CFTC. Nous avons échangé et décidé de faire appel à l’inspection du travail de notre région respective. Ici, nous avons rencontré l’inspecteur la semaine dernière. Il nous a un peu rassurés sur le recours au droit de retrait…
Nous avons envisagé une action nationale, une grève, mais… Il faut bien comprendre que nous faisons face à un rare afflux de commandes, puisque les magasins sont fermés. Or, sur les 2 500 salariés habituels, 600 sont rentrés chez eux pour assurer la garde de leurs enfants… La direction est en train de faire appel à des intérimaires… Quelle chance avons-nous de nous faire entendre ?
*La France compte 6 sites de distribution : celui de Saran, près d’Orléans, mais aussi ceux de Montélimar (Drôme), Lauwin-Planque (Nord), Sevrey (Saône-et-Loire), Boves (Somme) et Brétigny-sur-Orge (Essonne).
Crédit photo : Caroline Pépin