« Les cadences augmentent donc pour les salariés qui sont restés », Radouane, cariste chez Amazon

Radouane Mokaouim est cariste chez Amazon à Saran (45). Il est élu CFTC au CSE. Nous le rencontrons pour la seconde fois depuis les débuts de l'épidémie.

Depuis notre dernière conversation, la situation a beaucoup évolué. La directrice de votre site a démissionné, ainsi que le directeur Europe. Comprenez-vous cette décision ? 

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Oui, notre directrice est quelqu’un de très humain ; elle est très appréciée. Elle a fait avec les moyens du bord face à la crise sanitaire, mais elle n’était pas d’accord pour continuer ainsi l’activité. Le directeur Europe et elle risquent de voir leur responsabilité engagée si les choses tournent mal et que des salariés tombent malades. Un cas est aujourd’hui déclaré sur notre site, quatre à Brétigny-sur-Orge*. Nous redoutons une propagation du Covid.

Comment cela se passe-t-il concrètement ?
Le site est toujours ouvert… avec 50 % d’absentéisme. Enfin, c’est une estimation, car le CSE ne se voit pas communiquer de statistiques exactes. C’est saisissant de voir le parking si peu rempli… Amazon est une firme mondiale, ça ne change rien que notre directrice soit partie, les consignes sont transmises aux RH. Notre site, comme les autres, fait appel aux intérimaires pour faire face à l’afflux de commande. Mais ils sont nouveaux, il faut les former à nos process, ils ne peuvent pas être productifs instantanément. Les cadences augmentent donc pour les salariés qui sont restés. Moi-même, j’ai fait valoir mon droit de retrait. Je suis sans salaire jusqu’au 15 avril. Tous les collègues n’ont pas le luxe du choix : ils sont responsables d’une famille, ont un crédit maison… Ils ont besoin de leur salaire.

Quelles actions entreprend le CSE ?
Nous sommes en contact permanent avec les RH. Une augmentation de salaires a été proposée ainsi que cinq minutes supplémentaires de pause rémunérées face à l’hémorragie des effectifs ; rien n’y fait. Du gel hydro-alcoolique a été acheminé sur le site et des distances de sécurité ont été imposées, mais, que voulez-vous, c’est impossible à tenir, des centaines de personnes continuent de se côtoyer ! On n’a toujours pas le droit de porter des masques, c’est trop « anxiogène »… Le directeur France a répondu au mail du CSE que le ministère avait donné le feu vert pour maintenir l’activité. Nous maintenons l’activité. Pourtant, la notion de première nécessité est discutable non ? Est-ce que des consoles et des tournevis sont absolument nécessaires ? Alors oui, les ventes d’alimentaire ont progressé de 200 %. Mais il existe des enseignes spécialisées et ouvertes pour cela. Nous réalisons les tâches ingrates, nous le savons. Nous essayons de nous battre ! Mais sans illusion, on ne gagne pas un bras de fer contre une multinationale. Nous avons deux espoirs. Celui d’unir nos voix aux autres syndicats européens : nous tentons une mobilisation conjointe. Le second, c’est la grève actuelle sur le site d’Amazon à Staten Island, New York… 

Propos recueillis par Maud Vaillant

*Dont l’un a été admis en réanimation le 1er avril.